Avant-gardiste et original, voilà deux termes qui collent parfaitement à The Cube, en ce début d’année 1993 Supuration jette un vrai pavé où il brise les codes employés jusqu’ici dans le Metal Extreme, un album brutal et mélodique, un digipack, un mélange de vocaux gutturaux et clairs et surtout un concept ... Oui, exactement, l’album tourne autour d’un concept qui narre une histoire qui prendra fin vingt ans plus tard.
Supuration c’est aussi et surtout l’histoire de deux frères, Fabrice et Ludovic aux guitares et aux chants, entourés d’un ami proche à la batterie, Thierry, et d’un autre pote à la basse, Laurent. Ces quatre gaillards vivent dans le Nord de la France et sont des passionnés de musique, après s’être fait la main avec diverses démos dans un style Death Metal classique, concerts locaux ou juste comme musiciens de sessions, le groupe s’attaque en 1992 à la création et l’enregistrement de leur premier album, The Cube.
Enregistré avec peu de moyen en une vingtaine de jours au C.M.A de Valenciennes (Campus des Musiques Actuelles) il y sera mixé en une semaine au même endroit et masterisé à Bruxelles. Le C.M.A de Valenciennes n’en est pas à son premier groupe de Metal puisque Loudblast et Putrid Offal y sont déjà passés pour des enregistrements. C’est un dénommé Bruno Objoie, bien connu dans ce petit milieu à l’époque qui est aux manettes avec le groupe, et le résultat va en surprendre plus d’un.
« Le concept narre le voyage de l’âme d’une personne suicidée dans le monde des morts et de la découverte d’une possible réincarnation dont la réalisation persiste jusque la fin de l’album »
Comme je vous ai dit en préambule, nous avons ici affaire à une sorte d’OVNI musical. Les stéréotypes en matière de Death Metal, surtout fin 80 début 90, c’est le gore, la brutalité, une certaine idée du sexe, voire le satanisme, la recette est souvent la même, riffs rageurs, chant guttural, imagerie choc, bref la routine, mais ici c’est totalement différent: The Cube s’appuie sur une histoire écrite par Laurent et Ludovic; le concept narre le voyage de l’âme d’une personne suicidée dans le monde des morts et de la découverte d’une possible réincarnation dont la réalisation persiste jusque la fin de l’album.
Proposer une telle histoire engage forcément un défi de taille, il faut que la musique et les paroles soient à la hauteurs. L’album débute par un titre sobre mais clair, « Prélude » entièrement joué à la guitare acoustique, cette intro pose les bases de l’album et les premières interrogations. « The Elevation » prend la suite et là plus de doute, on est bien face à quelque chose de différent, à la lourdeur du Death Metal se mêlent des ambiances bien plus éthérées et soignées que ce qui se fait généralement, le morceau varie les tempos, les blasts et les passages plus calmes. Si dans un premier temps le chant est guttural, les vocaux clairs font vites leur apparition et surprennent l’auditeur. On sent vraiment tout de suite que l’album se veut ambitieux, les leads guitares apportant également à l’atmosphère générale. La basse n’est pas en reste et elle aussi apporte son climat de lourdeur, et personnellement je trouve que la batterie est incroyable, variant à merveille les tempos, le jeu de Thierry est complexe sans pour autant être difficile à digérer. Vous l’avez compris ces musiciens sont spéciaux et au delà d’une bonne maîtrise des instruments pour leur jeunes âges, ces mecs savent retranscrire les émotions et surtout les diffuser, chose qui n’est pas donné à tout le monde.
L’album s’enchaîne sans peine avec « Soul’s Speculum et 1308.JP.08 » qui maintien l’auditeur en alerte tout en continuant de le surprendre, jusqu’au morceau éponyme « The Cube » et là ... c’est la grosse mandale ! Si effectivement le titre est complexe il n’en reste pas moins incroyable et captivant, rythmes saccadés, puissance vocale alternée en growls et chants clairs, Ludovic montre toute l’étendue de son potentiel derrière un micro et ça fait mal. Les 5 minutes 51 secondes de ce bijou donne de la grandeur à l’album et ne laisse plus aucun doute possible sur la réussite de ce premier opus.
La suite de l’album est bien entendue de très bonne facture, très homogène et s’écoute un peu comme l’on regarde un film, on est attentif et on veut connaitre la fin, « The Cube » s’écoute sans peine d’une seule traite.
"I turn myself towards the door, as it shuts the light fades away, duty for a boundless wall, the thing is now clear, it’s a kind of crystal cube."
La suite de l’album est bien entendue de très bonne facture, très homogène et s’écoute un peu comme l’on regarde un film, on est attentif et on veut connaitre la fin, « The Cube » s’écoute sans peine d’une seule traite.
Supuration s’est aventuré sur un terrain un peu vierge pour l’époque, notamment dans le Metal français. Le manque de moyen du petit label a néanmoins été un handicap de poids. La critique française fut unanime et salua le travail et l’ambition des Valenciennois, il n’en reste pas moins que le disque a eu du mal à s’exporter malgré des cessions de licences à divers labels étrangers qui l’éditeront en cassettes et vinyles.
En 1998 le label français Holy Records (mieux connu aujourd’hui sous le nom EMP powered by Holy Records) rééditera The Cube avec des titres bonus, même si le label dispose de plus de moyens à cette époque, le train est passé, et cette pépite avant-gardiste ne connaîtra pas plus de succès pour autant. Supuration peut tout de même se targuer d’avoir su faire un album en avance sur son temps, probablement trop en avance d’ailleurs, avec de petits moyens et beaucoup d’ambitions.
Pour les plus curieux sachez que l’histoire de cette âme perdue dans le monde des morts prend fin avec « The Cube 3 » en 2013, le groupe ayant réalisé l’antépisode en 2004.
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